Christianisme, famille, avenir… En marge du mouvement des mères veilleuses qui a été lancé dimanche, Frigide Barjot s’est confiée sans retenue pendant une heure.

En ce début d’après-midi, une vingtaine de personnes s’attroupe au pied du mur de la Paix, à l’entrée du Champs-de-Mars (Paris VII). Dix mères veilleuses y sont installées depuis dimanche soir. Ces mères de familles combattent le texte de loi sur le mariage pour tous, dont le vote définitif doit avoir lieu aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Hier encore, leur mouvement était méconnu. Pourtant, les journalistes sont présents. Frigide Barjot, l’égérie de la Manif pour tous, est venue leur apporter son aura médiatique. Elle martèle son discours : « Un ventre, du sperme, des ovocytes, des gamettes, ça ne se vend pas ! » Les grandes chaînes ont leurs images. Elles plient bagages. Dernière question : » Quand on voit votre capacité à drainer les médias, on se dit qu’il y a une Barjot-dépendance chez les manifestants… » Elle se réfugie au milieu des mères veilleuses. « Expliquez au journaliste comment je vous manipule, que c’est la dictature de Barjot ! » Éclats de rire. Virginie Tellenne fait du Barjot. Après un moment de flottement, elle revient vers nous, s’excuse. La discussion s’engage. Elle va durer une heure. Assise sur la pelouse du Champs-de-Mars, pieds nus, Frigide se confie sans retenue.
« Il y a des millions de gens qui pensent ce que je dis »
Papillonnant l’air de rien dans sa robe noire, Frigide Barjot, cet après-midi, a encore montré qu’elle est une des composantes du succès des Manifs pour tous. Principalement parce qu’elle est parvenue à décomplexer une frange des catholiques français. « C’est normal, il y a des millions de gens qui pensent ce que je dis, estime-t-elle, et ce que je dis, c’est je vous aime, je vous aime, je vous aime. » Convertie au christianisme il y a une dizaine d’années alors qu’elle n’avait « jamais eu la foi », elle refuse de faire le lien entre ses convictions spirituelles et son engagement dans le débat qui divise le pays. « Ce n’est pas un sujet religieux, mais politique. Pol-éthique. » Toujours est-il qu’elle a trouvé sa voie : « Je suis entrée dans mon sacerdoce, dans ce à quoi j’étais appelée. »
Sous le feu des projecteurs, depuis la naissance de la Manif pour tous en novembre dernier, alors qu’elle n’était « connue que dans quelques milieux parisiens », elle affirme être ici à sa vraie place. « Ce sont des valeurs universelles que je défends. N’essayons pas de changer les hommes, sinon il y aura de la casse.« Elle va chercher une cigarette, laisse ses chaussures et son téléphone dans l’herbe. Des admirateurs s’approchent. Interrogée par deux jeunes filles, elle dénonce les « actions insupportables des homophobes du Printemps Français« , mouvement d’ultras dirigé par Béatrice Bourges, une ancienne camarade de lutte lors des manifestations. Quelques instants plus tard, un père de famille la félicite timidement. Frigide Barjot fait la bise à sa fille. « Ah vous êtes de Brest. Il n’y a pas de manifestations chez vous ? il faut aller à Rennes alors. » Au moment de poser pour la photographie-souvenir, la militante ressurgit, et glisse en souriant. « Un papa, une maman, deux enfants. »
La nouvelle vedette de la famille
Frigide se lève, dit qu’elle a besoin de se reposer. Elle ramasse un caillou en forme de cœur. La discussion dérive sur sa situation familiale. Elle a souffert de la lettre ouverte publiée par son beau-frère Karl Zéro.« Si Karl a des choses à me dire, je suis ouverte à la discussion. Mais il n’a même pas pris la peine de m’appeler ! » Frigide regrette d’autant plus : « Il avait pourtant promis à Basile (Bruno Tellenne, époux de Frigide et frère de Karl Zéro, ndlr) qu’il ne m’agresserait plus en public. Bon, il n’a pas tenu sa promesse… » Selon elle, son beau-frère a du mal à supporter son accès soudain à la notoriété, quand lui « peine à faire la promotion de son livre » sur Luka Rocco Magnotta. « Il a fait de la peine à sa mère (Annick Lemoine), une femme formidable, qui m’a tant aidée dans ma conversion ! » Et d’ajouter, lasse, « en tant que chrétienne, je pardonne. Mais il faut que la personne le demande… »
Jean Morizot